Diagnostic archéologique : tour médiévale, rue Carnot (2018)

DSC00332En novembre 2018, un propriétaire privé a entrepris la réhabilitation d’un commerce situé 12 rue Carnot, dans un immeuble contigu de l’hôtel de ville de L’Isle-sur-la-Sorgue. Les premiers travaux réalisés au rez-de-chaussée ont confirmé rapidement la présence d’une tour d’habitation seigneuriale édifiée entre la fin du XIIe et la première moitié du XIIIe siècle. Pour répondre à la nécessité d’une intervention d’urgence, la Direction du Patrimoine de L’Isle s’est chargée d’effectuer un diagnostic architectural limité à une semaine d’observation sur le terrain.

La tour, remarquablement préservée entre plusieurs constructions plus tardives, adopte un plan rectangulaire de 10 m de profondeur sur 5 m de largeur. Il semblerait qu’elle conserve pratiquement intacte son élévation originelle, sur près de 17 m de hauteur.

Fig. 1Sa façade principale borde la voie publique, où un enduit de surface et de larges ouvertures du XIXe siècle lui confèrent peu de singularité, hormis le fait qu’elle possède une hauteur supérieure aux immeubles attenants. La partie sommitale de sa façade arrière qui dépasse le niveau de couverture des autres bâtiments suppose néanmoins que ses façades sont, à l’exemple de la tour d’Argent, entièrement appareillées en pierres de taille extraites des carrières l’isloises de Saint-Antoine.

En revanche, les parements intérieurs des murs du rez-de-chaussée révèlent que les bâtisseurs ont cherché à minimiser les coûts en privilégiant l’emploi de moellons liés au mortier. Fig. 2

Une première analyse permet d’isoler deux phases de construction qui se sont échelonnées probablement entre la fin du XIIe siècle et la première moitié du XIIIe siècle.

Sur près de 1,50 m de hauteur, l’élévation débute par un moyen appareil en moellon de facture assez grossière, puis se prolonge par un second type de maçonnerie mise en œuvre de façon plus soignée.

FIG. 3La reprise coïncide avec la pose d’un bandeau en pierre de taille, actuellement buché, destiné à supporter le plancher en bois du premier étage. Sur l’un des murs latéraux, son positionnement s’aligne sur le seuil d’une porte en pierre de taille qui constituait l’entrée primitive de la tour, via un escalier extérieur appuyé contre sa façade sud. L’accès fut condamné et remplacé vers la fin du Moyen Âge par une entrée directe au rez-de-chaussée, où subsiste l’arrière-voussure appareillée d’une porte en pierre de taille obturée.

Aux niveaux supérieurs du bâtiment, les sondages architecturaux n’étant pas autorisés, les recherches conduisent à des remarques d’ordre plus général. De fortes irrégularités horizontales au nu des murs entièrement enduits induisent que la tour renfermait à l’origine trois étages supérieurs. Au premier se développait une pièce d’environ 5 m de hauteur et son plafond reposait sur un bandeau en pierre mouluré. Une petite section préservée dans l’angle sud-ouest du bâtiment présente un profil mouluré similaire à un bandeau en pierre conservé dans une tour médiévale de Saumane, et la même particularité de dessiner un décrochement évitant l’emploi de poutres de rive.

Le deuxième étage avoisinait 4,40 m de hauteur et une partie de plafond à solives apparentes, à entrevous triangulaires en plâtre, peut s’attribuer à une réfection intervenue durant le bas moyen Âge. Une travée de deux fenêtres obturées sur le mur nord s’inscrirait aussi dans la même fourchette de datation.

Enfin, le dernier étage pouvait encore abriter une pièce habitable de 3 ou 4 m de hauteur. Mais  à ce niveau, l’estimation d’un volume reste plus incertaine, les indices archéologiques faisant défaut pour se prononcer sur la présence originelle d’une couverture à double pans ou d’un couronnement muni d’une terrasse sommitale.

Les quelques jours passées dans la tour ne sont évidemment pas suffisants pour dresser un panorama détaillé de son architecture. La démarche consistait surtout à une collecte d’informations archéologiques, auxquelles nous n’aurions certainement pas eu accès sans une intervention très rapide.

Les données recueilles permettent de dégager les grandes caractéristiques du bâtiment et de mieux appréhender son contexte d’implantation, qui semble s’apparenter à celui de la tour d’Argent. Sa proximité d’une, voire deux autres tours d’habitation médiévales, incluses actuellement dans l’enceinte de l’hôtel de Ville voisin, tend en faveur d’un nouvel îlot urbain à forte dominante aristocratique.